ÉDITO

Transformation numérique à haut risque pour le secteur bancaire français !

 

Nouveaux moyens de paiement, explosion du crédit participatif, mise en œuvre de la DSP2, … le secteur bancaire français rentre aujourd’hui « dans le dur » de sa transformation numérique. Une transformation jusqu’à présent freinée par une puissante régulation, justifiée par la dimension stratégique de l’activité bancaire et de ses impacts sur tous les autres secteurs de l’économie. Une régulation que l’on a peut-être eu tort de considérer comme une protection contre l’irruption de nouveaux acteurs tant les phénomènes de mutations numériques sont puissants et pénétrants. Conscientes de ce défi, les grandes banques françaises se sont lancées dans d’ambitieux programmes de transformation associant politique d’acquisition de start-up et de technologies à une refonte de leurs organisations et de leurs offres. Une transformation cependant entravée par la rigidité de cette même régulation qui, associée à l’augmentation des obligations prudentielles, ne leur permet pas de lutter à armes égales avec de nouveaux entrants qui, eux, s’en affranchissent. Les banques courent ainsi le risque, qu’à terme, la captation de la relation client et de la valeur qui en découle par des start-up susceptibles d’être rachetées à prix d’or par les géants du web, ne débouche sur leur disparition au seul profit de ces derniers. Une « ubérisation » loin d’être comme les autres car elle engendrerait, de toute évidence, une significative perte de souveraineté des Etats européens, les géants en question étant, comme chacun sait, soit américains, soit chinois.

Mais au-delà des risques, et comme toute transformation, celle du secteur bancaire est aussi porteuse de nouvelles opportunités. En effet, et alors que le Royaume-Uni avait imposé sa domination dans les domaines des nouveaux moyens de paiement et du crédit participatif (crowdfunding), notamment grâce au passeport européen, la France a aujourd’hui parfaitement les moyens de se positionner sur d’autres aspects de l’évolution du secteur. En effet, forte de sa capacité d’innovation, elle est en mesure de s’imposer dans les domaines prometteurs de l’intelligence artificielle, de l’algorithme, de la blockchain et des crypto-monnaies.

Encore faudra-t-il qu’elle puisse conserver son avance technologique dans ces domaines en protégeant ses champions et en y investissant de façon massive.

Car il est en effet clair que l’idéologie n’a pas ici sa place tant les enjeux et les défis technologiques qui leurs sont associés sont complexes et susceptibles d’engendrer des répercutions majeures non seulement sur notre économie mais encore sur la souveraineté européenne. Cependant, le chemin est étroit entre deux abîmes, car il s’agit à la fois de ne pas laisser passer une chance historique de restaurer la place de la France dans la course à l’attractivité consécutive au « Brexit » et, dans le même temps, garantir la parfaite sécurité et traçabilité de l’écosystème tout aussi porteuses d’attractivité et cette fois-ci, sur le long terme. Une équation délicate pour le législateur français qui devra bientôt définir un cadre adapté à cette nouvelle donne dans un souci d’équilibre entre régulation, sécurité et innovation. C’est dans ce contexte et porteurs de l’ambition de contribuer à la définition de ce cadre que nous avons décidé d’organiser ces Assises qui réuniront parlementaires, représentants de l’exécutif et les principaux acteurs du secteur bancaire français et européen.

 

Jacques Marceau

Président d’Aromates

Administrateur de la Fondation Concorde